« Souffles d’Ardoises »

Galerie DETOUR

Avenue Jean Materne, 166  –  5100 Jambes (Namur)

5 Janvier - 5 février 2022

Souffles d'Ardoises

Souffle d'ardoise 4 (inv. 0004)

Souffle d'ardoise 1 (inv. 0001)

Souffle d'ardoise 33 (inv. 0033)

« Ces sculptures ont pris corps lors d’un travail de découpage de blocs de schiste ardoisier: l’eau de sciage charriait la matière retirée par la scie,
donnant à voir une eau grise parcourue de traces noires ondulantes.
De cette observation me vint l’envie d’y plonger des papiers aquarelle.
Ce que je fis. Et ces papiers se chargèrent des résidus de la matière ardoise. Une fois suffisamment couverts et gris, je les retirai de l’eau pour les mettre à sécher.
Et c’est alors que la découverte eut lieu, car, en séchant, la poussière d’ardoise, le sédiment constitutif de l’ardoise, véhiculé par l’eau et déposé sur les papiers, avait migré ne donnant plus à voir une surface uniformément grise, mais des paysages de brume, de montagnes, de
mers agitées rappelant les grisailles des peintures chinoises .. .
Mon émerveillement devant cette transfiguration ne s’arrêta pas là, car mon regard se posa alors sur les surfaces d’ardoises qui présentaient elles aussi ces « images ». Ma réaction fut immédiate: l’ardoise auraitelle
de la mémoire ? Et cette interrogation m’apparut incontournable car se retrouvait sur les papiers le constituant de sa matière.
Pour concrétiser cela il ne me restait donc plus qu’à faire correspondre, les « images » apparues sur les papiers et celles présentes sur les surfaces des ardoises …
C’est alors toute l’intériorité de la matière ardoise qui se donne à voir … »

Anne Jones

"Souffles d'Ardoises"

Pour approcher les « Souffles d’Ardoises », il me faut les replacer dans ce long cheminement d’observations, d’écoute et de respect que j’ai toujours eu face aux matériaux entrant dans mes sculptures.

Les ardoises, le métal, le schiste… tous auraient dû se retrouver en décharge si mon regard ne les avait pas croisés et si une complicité ne s’était pas directement établie entre eux et moi.

Tenir compte de ces matériaux de rebut, dont on dit n’avoir pas ou plus de valeur, et tenir compte de leur vécu permet de faire sentir l’humanité qu’il y a dans des choses parfois trop vite décrétées sans intérêt. Ce vécu peut être l’usage qui leur a été attribué ou la mémoire de la terre qu’ils portent en eux depuis des millénaires.

Cette découverte a pris corps alors que j’étais en carrière pour réaliser le découpage de trois blocs de schiste ardoisier qui devaient entrer dans ma sculpture « Stances d’ardoises » pour un parc à Louvain-la-Neuve.
Chaque bloc devait être découpé pour arriver à une forme arrondie et cela a donc demandé de nombreux traits de coupe et plusieurs jours de
mise en œuvre.

Pendant ce long travail de découpage, mon regard fut attiré par l’eau de sciage qui giclait sur le mur, face à la scie, avant de s’écouler dans des caniveaux vers les bacs de décantation. Cette eau charriait la matière retirée du schiste ardoisier par la scie, donnant à voir une eau grise parcourue par des traces noires ondulantes. Et je trouvais cela beau. J’en fis part au technicien qui, lui, n’y voyait que de la boue… Mais à mes yeux, quelle belle boue!

De cette observation me vint l’envie de plonger, dans ces caniveaux, des papiers aquarelle. Ce que je fis le lendemain, et ces papiers se chargèrent des résidus de la matière ardoise. Quand je les trouvais suffisamment couverts et gris, je les retirais de l’eau. Une fois tous utilisés.je les conduisis à l’atelier pour les mettre à sécher.

Et c’est le lendemain matin que le choc eut lieu, car, en séchant, la poussière d’ardoise, le sédiment constitutif de l’ardoise, véhiculé par l’eau et
déposé sur les papiers, avait migré ne donnant plus à voir une surface uniformément grise, mais des paysages de brume, de montagnes, de mers agitées rappelant les grisailles de certaines peintures chinoises…

Mon émerveillement devant cette transfiguration ne s’arrêta pas là, car mon regard se posa alors sur les surfaces d’ardoises gisant au sol dans l’atelier. Et ce fut le choc, car je réalisai que ces « images » découvertes sur les papiers aquarelle se retrouvaient aussi sur les surfaces de clivage de l’ardoise. Ma réaction fut immédiate : l’ardoise aurait-elle de la mémoire ??? Et cette interrogation m’apparut incontournable car se retrouvait sur les papiers le constituant de sa matière. Et la question de la mémoire de la terre enfouie dans ses strates se posa de façon évidente.

Ces papiers devenaient l’expression du « souffle indistinct » de l’ardoise, de la réminiscence de son ancestralité, un peu comme chaque être humain portant en lui la trace de ses ancêtres.

Et de cet émerveillement devant ce que la nature avait bien voulu m’offrir sont nés les
« Souffles d’Ardoises ».

Pour concrétiser tout cela il me restait à assembler, à faire correspondre, les « images » apparues sur les papiers et celles présentes sur les surfaces des ardoises..

Et ce travail va peu à peu me conduire vers une autre recherche qui est celle de la façon de donner à voir la densité, l’intériorité et la musicalité de l’ardoise. Car il y a dans cette matière une forme de musique silencieuse qui se donne à voir dans la vibration de ses chants acérés.

Anne Jones

Souffle d'Ardoise mural VI (inv. 0023)

Souffle d'ardoise 36 (inv. 0036)

Souffle d’ardoise 16 (inv. 0016)

Publication « En écoutant la terre »