Galerie Brissot

48, rue de Verneuil – 75007 Paris

5 novembre – 15 décembre 2010

La matière transfigurée

Rien n’arrive par hasard …
Et ce travail n’y fait pas exception.

Un jour, en carrière, alors que du schiste ardoisier passait sous la scie à eau en vue d’obtenir des blocs pour une de mes réalisations, mon regard s’attarda sur cette eau chargée de matière, qui giclait sur le mur avant d’être emportée vers les bacs de décantation.
J’étais touchée devant la beauté de cette eau charriant le sédiment de
l’ardoise.

J’en fis part au contremaître qui lui n’y voyait que de la boue.
Oui, ce n’était peut- être que de la boue, mais quelle belle boue !

Aussi, le lendemain, c’est armée de papiers aquarelles que j’ arrivais à la carrière.
Ceux-ci furent plongés dans l’eau chargée de matière puis séchés.
Le jour suivant, au calme dans l’atelier, je contemplais ce que la nature avait bien voulu m’offrir. L’étonnement fit très vite place à l’émerveillement.
Je n’avais plus devant moi de la poussière d’ardoise fixée sur le papier, mais des paysages de brumes, de montagnes, de mers agitées.
De plus, parcourant des yeux les plans de clivage de l’ardoise j’y
retrouvais cette même narration.

J’étais là, pensive : la nature avait- elle de la mémoire?

De considérations en réflexions il me semblait retrouver dans l’ardoise et son sédiment cette part d’ ancêtre que chaque être humain porte en lui, ce souffle indistinct, réminiscence ancestrale.
C’était aussi le sens de la matière dans ses origines et la notion de temps dans son infini qui m’interpellaient dans ce dévoilement, cette alchimie de
l’eau et du sédiment.

Toute la question de la transfiguration de la matière se posait alors à moi et m’ouvrait un autre chemin.

                                                                                                                                A.J.